En Agile, le client ou l’utilisateur final sont des parties prenantes clés. Le but est de réaliser des produits qui correspondent à leurs attentes . Et les MVPs sont un support pour recueillir leur feedback, à partir duquel commence l’itération suivante.

Mobiliser des clients Deeptech est complexe

Dans le monde de la Deeptech, le retour des clients est autant recherché que redouté, car il peut conduire à invalider des développements déjà réalisés, ce qui est coûteux… et douloureux ! Fût-ce pour répondre aux demandes très légitimes des utilisateurs.

En outre, la notion de « client » est moins claire, car on cherche en fait à s’inscrire dans un écosystème de parties prenantes fait de prescripteurs, distributeurs, contributeurs… et de clients finaux. Ces derniers ne représentent qu’une partie du puzzle.

Les mobiliser est difficile. On ne peut les approcher qu’à travers de grands acteurs industriels très soucieux de conserver l’exclusivité de leurs relations commerciales. Quant aux industriels eux-mêmes, ils n’ont pas forcément le temps ni l’appétence de contribuer au développement de projets risqués techniquement et commercialement.

Alors, pour ancrer le développement de produits Deeptech sur un retour terrain : comment mobiliser les bons interlocuteurs à travers la jungle des parties prenantes ? Comment tenir compte de leurs feedbacks sans dévier trop fréquemment du cap fixé ?

Levier n°7 : Cartographier son écosystème de clients, distributeurs, prescripteurs, etc. pour hiérarchiser les attentes

Souvent, les innovateurs Deeptech initient rapidement de premiers partenariats (R&D avec d’autres entreprises technologiques, co-développement avec des clients, etc.), à partir de leurs réseaux personnels. Mais les attentes et objectifs peuvent en paraître confus, parce cette démarche pragmatique (et absolument nécessaire !) n’a pas été précédée d’un travail plus systématique de cartographie des partenaires potentiels et/ou accessibles.

C’est pourtant un exercice essentiel si l’on veut répondre aux attentes de ces partenaires sans s’épuiser dans des demandes chronophages et  peu créatrices de valeur. Autrement dit, évaluer précisément le poids des partenaires, leurs positions dans l’écosystème, clarifier les objectifs du partenariat et, conséquemment, repérer quand il est pertinent de dire « non ».

Quelques pistes pour ce travail :

  • Mettre à plat la chaîne de valeur de l’activité et identifier les rôles de quelques acteurs clés. Pour faire émerger des archétypes et les qualifier. Dans l’exemple ci-dessous, on représente la chaîne de valeur de la conception d’objets connectés et le positionnement d’acteurs clés. Ce qui permet de lister les relations d’affaires possibles avec chacun d’entre eux
  • Dans cet autre exemple, c’est l’intensité concurrentielle et valeur ajoutée à chaque stade de la chaîne de valeur qui est représentée, pour mieux estimer le poids les forces en présence.

L’expérience montre que ce travail d’explicitation et de clarification est salutaire pour fluidifier les discussions et la réflexion stratégique. Et surtout, c’est un outil puissant pour pondérer les demandes de chacun.

Levier n°8 : prioriser les demandes à l’aide de « grilles de lecture » préétablies

L’étape suivante est d’avoir la bonne grille d’analyse pour interpréter et évaluer les demandes particulières formulées par les partenaires / clients, ou bien simplement de mettre en perspective leurs feedbacks. Et décider de la suite à y apporter (ou pas).

Pour dix clients interrogés, vous aurez dix avis différents !

La recherche de feedback client est parfois présentée comme un processus linéaire : on demande aux « clients » ce qu’ils pensent du produit proposé 2) On synthétise leurs demandes pour 3) Y répondre

En réalité, pour dix clients interrogés, vous aurez dix avis différents ! L’interprétation et l’évaluation de cette matière brute sont au cœur de la démarche : que voulaient-ils vraiment dire ? Est-il pertinent d’accéder à leur demande ? En a-t-on les moyens, puisque dans la Deeptech, chaque modification peut être très consommatrice de ressources ?

Pour ce faire, voici quelques grilles de lecture déjà mobilisées avec succès dans des projets passés :

Dans les interactions avec les prospects / clients / partenaires, nous distinguons trois niveaux d’engagement

  1. Le discours : notamment, le fameux « »
  2. Le support : le prospect / partenaire accepte de s’engager (donner accès à des expertises, co-développer), parce qu’il y voit un intérêt
  3. L’investissement : pré-commande ou prise de participation

Nous recherchons et privilégions systématiquement ces deux dernière catégories, qui sont des signes d’intérêt potentiel bien plus solides. Après tout, « il n’y a pas d’amour mais seulement des preuves », n’est-ce pas ?

Les entretiens client sont l’occasion de recueillir une opinion sur le produit présenté, mais aussi d’apprendre beaucoup de choses sur leur façon de fonctionner et leurs besoins… Besoins qui ne sont pas toujours exprimés ! Comme ce prospect qui affirmait ne voir aucune utilité dans la technologie d’estimation d’autonomie électrique qu’on lui proposait. Pourtant, la description « factuelle » de ses déboires en la matière montrait l’inverse. Ainsi, confronter le témoignage client avec sa propre perception est une dialectique féconde. Il ne faut surtout pas prendre le point de vue externe « pour argent comptant ».

Illustration ci-dessous : il faut articuler le retour client et notre propre perception

Quelques critères complémentaires :

  • La demande est-elle réplicable pour d’autres clients ?
  • Est-ce « la cerise sur le gâteau » ou une condition  d’adoption de la solution ?
  • Améliore-t-elle l’expérience utilisateur ou bien les performances du produit ?
  • Quelle est notre estimation de l’effort requis ?